J’ai un pote.
Quand il s’est lancé dans la drague, il était tellement timide que je me suis demandé « Pourquoi est-ce qu’il s’est lancé ? C’est perdu d’avance. »
Quand il abordait les filles, il était tellement crispé, tendu, maladroit, nerveux, raide et soumis, que je n’osais pas regarder.
J’avais honte !
Son stress et son malaise étaient contagieux à des dizaines de mètres.
(Je m’éloignais quand il abordait. Je ne voulais pas être associé à lui.)
Le pire reste à venir.
Il abordait les filles, petit carnet et stylo dans la main, en leur demandant leur adresse e-mail.
Oui, chez lui la phrase d’approche et « le close » ne faisaient qu’un.
Donc, en tremblant, en transpirant, en regardant le sol et en bégayant : « Bonjour, est-ce que je peux avoir ton adresse e-mail ? »
Et il tend le carnet et le stylo à la fille.
Ce que je viens de décrire n’est pas le pire.
Le pire reste à venir !
Il ne tournait pas la page de son carnet !
Tu t’imagines ?
Intelligence sociale zéro !
:-D :-D :-D :-D
Il aborde la fille.
La fille accepte par pitié.
Il lui tend le carnet.
La fille regarde le carnet et, bouche bée, elle voit 3, 6, 10 adresses e-mail de filles sur la 1e page.
Elle : « Quoi ? C’est quoi ça ? Tu collectionnes les e-mails de filles ? »
Lui, toujours en train de trembler, de transpirer, de regarder le sol et de bégayer (enfin, un peu moins, car « oui » se prononce assez facilement) : « Oui… »
Elles finissaient quand même par lui donner leurs e-mails.
Ce n’est pas fini !
Il a obtenu des rendez-vous via ces e-mails !
Son taux de conversion était très bas, certes, mais il en a obtenu quand même.
Avance rapide…
À ce jour, ce mec reste le meilleur « abordeur » que je connaisse.
Il est tellement léger, fluide et enjoué…
Les filles adorent se faire draguer par lui !
C’est hallucinant.
Je l’ai vu faire des trucs de MALADE !
Des trucs que personne d’autre n’oserait faire.
Et ça marche !
Pourquoi est-ce que je te raconte ça ?
Pour te montrer que…
… la timidité peut se vaincre !
P.S. Ce pote est petit, maigre, mal coiffé et il porte des lunettes. Il a le look d’un geek.
Salut Konsti,
D’abord bravo et merci pour ton blog, que j’ai découvert il y a quelques jours seulement et que je le trouve bien plus motivant que d’autres, qui semblent sous-entendre que si tu n’as pas au moins la moitié des acteurs d’Hollywood dans ton répertoire, ce n’est même pas la peine de tenter quoi que ce soit (mâle alpha, lifestyle, DHV, neg, PUA, être le prix…).
Tu as au moins eu le mérite de me donner la pêche, ne serait-ce que de façon passagère (ça va ça vient…), même si mon cas reste plus ou moins désespéré (autant mettre les pieds dans le plat : aucune relation à 29 ans).
Je suis également en train de lire Tu la veux, tu l’auras, car comme bien d’autres à mon avis, c’est une obsession amoureuse qui m’a amené ici (j’aurais sans doute l’occasion de t’en dire plus prochainement).
Ce qui est drôle d’ailleurs, c’est qu’avant de tomber amoureux de cette fille, ma situation ne me préoccupait pas plus que ça.
Sans en être fier, je ne ressentais pas de manque, ou en tout cas aucun sentiment d’urgence. Sans doute en grande partie parce que je rencontre très peu de filles. Peut-être aussi que j’évitais d’y penser.
Après cette introduction / présentation, j’en arrive à l’article en lui-même. S’il donne effectivement beaucoup d’espoir (je ne pense pas partir de si bas), il pose aussi quelques questions.
D’abord, quel âge avait ce pote et combien de temps lui a-t-il fallu pour devenir aussi bon ? La question sous-jacente étant évidemment : n’est-il pas trop tard pour moi ?
L’autre question concerne la timidité elle-même. Que faire lorsqu’elle est secondaire et non primaire ? Je m’explique : je suis bègue. Cela n’explique sans doute pas tout, mais sans vouloir me cacher derrière de fausses excuses, je pense que ce handicap a joué un rôle déterminant dans ma vie.
La vie sociale se construit essentiellement par la parole et, quand on ne peut physiquement pas s’exprimer, c’est tout de suite plus compliqué.
C’est notamment le cas pour la séduction. Le bégaiement, chez des personnes non bègues, est perçu à juste titre comme un manque de confiance en soi, un malaise.
Les bègues partent donc à mon avis avec un désavantage considérable, parce qu’eux sembleront ne pas avoir confiance en eux, même s’ils arrivent à être à l’aise avec l’entraînement. Sans compter le fait que le bégaiement engendre très souvent une timidité bien réelle dès l’enfance (provoquée par les moqueries des camarades de classe voire des professeurs ; les enfants sont de vraies raclures entre eux) et sape durablement la confiance en soi.
Je ne vais pas me lancer dans un exposé sur le bégaiement (sauf si ça intéresse des gens) mais il en existe plusieurs types.
Certains bègues ne peuvent pas prononcer une phrase sans bégayer, parfois très fortement. Heureusement ce n’est pas mon cas (quelque part j’ai de la chance dans mon malheur). Je peux discuter 1 heure en tête à tête avec une personne sans qu’elle ne remarque mon bégaiement (surtout si elle est non bègue).
Et ce grâce à diverses stratégies d’évitement, consistant à employer un mot pour un autre, utiliser des périphrases, dire totalement autre chose, voire tout simplement se taire. Ce n’est pas non plus garanti, ça demande des efforts (qui ne sont du coup pas consacrés à autre chose, parfois je passe plus de temps à trouver une phrase que je vais pouvoir prononcer qu’à écouter mon interlocuteur) et c’est sans doute encore plus compliqué devant une jolie fille.
En effet le stress joue probablement un rôle et il me semble que je suis plus fluide avec un peu (bon, chez moi un peu ça peut être plus d’un gramme) d’alcool (curieusement c’est plutôt le contraire chez les non bègues). En tout cas l’effet désinhibiteur fait que je m’exprime plus, quitte à bégayer. Toujours est-il que je peux souvent arriver à masquer mon bégaiement.
Seulement, ce qui fonctionne relativement bien pour un entretien d’embauche est à mon avis beaucoup moins efficace pour la séduction (parce qu’on ne peut pas prononcer la phrase qu’on veut prononcer au moment où on le veut, et que c’est à mon avis beaucoup plus critique), mais également dans une discussion de groupe, surtout lorsqu’elle est animée.
Voilà pourquoi je me concentre sur la répartie, les vannes courtes mais efficaces ; et ça marche, en soirée lorsque je suis à l’aise et dans des groupes qui vont jusqu’à une dizaine de personnes je fais marrer tout le monde (cette fille, par exemple, rit à presque toutes mes vannes, même à beaucoup de pourries). Mais je crains que ça ne fasse pas de moi plus qu’un clown.
Pour revenir à la séduction, je ne suis pas sûr par exemple de pouvoir prononcer la simple phrase “Salut, je te trouve mignonne” (oui j’ai lu tes exercices ;)).
“Bonjour, vous êtes mignonne” passerait en revanche beaucoup mieux, mais ne ferait pas le même effet (comme tu l’expliques très bien dans tes articles).
C’est sûrement très étrange pour un non bègue, mais fais-moi confiance, c’est le cas. Le pire, c’est quand je dois donner mon nom. 2 fois sur 3 à peu près, je n’y arrive pas. Et là il n’y aucune échappatoire possible (pas de substitution, pas de périphrase, etc.), juste un blocage, particulièrement humiliant, de plusieurs secondes qui me paraissent des heures.
Du coup j’évite au maximum de me retrouver dans cette situation. Mais éviter d’avoir à se présenter, c’est souvent éviter de rencontrer de nouvelles personnes.
L’autre situation critique, ce sont les ambiances bruyantes. Très souvent je n’arrive pas à en placer une, ou alors en bégayant terriblement pour le coup. Il m’est arrivé de nombreuses fois dans certains restaurants bruyants de commander non pas le plat que je voulais, mais celui dont je pouvais prononcer le nom.
En boîte c’est difficile pour tout le monde de parler, mais pour moi c’est mission impossible. Je ne sais pas bien expliquer pourquoi, c’est peut-être lié à l’angoisse d’avoir à répéter.
Souvent, lorsqu’on me demande une phrase que je viens pourtant de réussir à prononcer, je bloque. Peut-être parce que là encore il n’y a aucune échappatoire. Je n’ai plus le choix des mots, je dois prononcer une phrase prédéfinie.
J’en viens donc à mes questions. As-tu déjà eu des élèves bègues ? Si oui, comment s’en sont-ils sortis ? Nous conseillerais-tu de le dire dès le départ à la fille qu’on cherche à séduire ? Ou au contraire d’essayer de le cacher (pour ceux qui pensent pouvoir le faire) quitte à n’être pas du tout naturel ? À quel point penses-tu que ce handicap réduit nos chances ?
Plus largement, j’aimerais bien lire un article “Comment séduire quand on est bègue”. Mais peut-être n’êtes-vous pas les mieux placés pour l’écrire.
D’autre part, tu conseillais dans les commentaires d’un article que je ne parviens pas à retrouver de ne pas cacher qu’on n’a jamais eu de relations, mais c’est valable jusqu’à quel âge ?
Voilà, désolé pour le pavé et encore merci pour ton blog. ;)
Salut ZwartBasalt et merci pour ta confiance en ton intérêt. :-)
Ce pote a commencé à 22 ou 23 ans. Il lui a fallu quelques années pour devenir bon.
Non, non, il n’est pas trop tard pour toi. Bien au contraire ! C’est le bon moment !
Non.
Non, tu ne dois pas nécessairement le lui dire.
Non plus. Ne le cache pas. Assume-le !
Je ne peux pas te répondre comme ça. Oui, je pense que le bégaiement a une influence sur tes résultats.
Par contre, je suis convaincu que ce n’est pas une fatalité et qu’on peut s’améliorer.
Je pense également que ton angoisse est un plus grand obstacle que le bégaiement en soi.
Bien à toi !